mercredi 7 décembre 2011

Spécial Noël : Le distributeur automatique d'or et de bijoux !

C'est un beau félin de notre ère, grand et à la forte carrure, au teint rouge et bronzé, muni en plus d'un joli écran tactile. Il trône, là, dans le passage de ce charmant centre commercial de Phoenix Mills, entre une enseigne Marks and Spencers et Zara... La "shoppeuse" indienne est déjà comblée par son après-midi d'achats, quand soudain, elle voit cette intriguante machine, et entend sa douce voix électronique qui l'appelle. 

Son écran tactile se trémousse pour aguicher davantage la chalande; et quand cette dernière est assez proche, voilà que les produits défilent : pièce d'or ou d'argent, léger collier en or, ou, apothéose du bonheur... un pendentif en or et diamant en forme de svastika. 

Il est trop tard, l'Indienne est captivée. Ses doigts, déjà, frôlent et caressent cette surface lisse et lumineuse, touchent délicatement ses symboles, et en moins de temps qu'il n'en faut pour atteindre l'orgasme, voilà que son amant de l'instant lui demande, sans transition dans ce moment de plaisir intense, comment elle veut régler : "carte de crédit ou cash". 

Bienvenue dans l'Inde du 21è siècle, l'Inde du consumérisme naissant, avec son nouvel objet fétiche : le premier distributeur automatique du monde de bijoux en or et en diamants. La caverne d'Ali Baba moderne, en quelque sorte.

Cette invention, nous la devons à l'un des leaders mondiaux du commerce de bijoux en or, Gitanjali, qui a installé le mois dernier ce premier distributeur dans le centre huppé de Bombay. 

Les Indiens sont déjà de fervents consommateurs d'or - 20 % de l'or mondial est vendu dans ce pays, qui est avec la Chine le premier consommateur. Mais le métal doré est en général acheté comme un investissement - que l'on porte, tant qu'à faire, mais que l'on pourra surtout vendre à bon prix si les Dieux nous causent des problèmes. Une sorte d'assurance-vie bling-bling

Or avec cette machine, Gitanjali essaie de transformer cette ferveur de l'or en achat impulsif - comme on achète une robe, on achète de l'or. C'est aussi simple que cela. Et le pire, c'est que cela pourrait marcher ! 

Démonstration et explications dans ce reportage.

lundi 5 décembre 2011

Avortements sélectifs : Les filles restent indésirables

"Le garçon est pour nous la "lumière du foyer", il faut donc un homme dans une famille... ces avortements, cela était juste pour nous un moyen d'y arriver". 
C'est avec ces mots simples que Supriya explique pourquoi elle a mené cinq avortements consécutifs en moins de dix ans, dont le dhttp://www.thehindu.com/news/national/article2045372.eceernier a été réalisé à 5 mois de grossesse. Cinq refus d'avoir une fille, malvenue dans une famille qui en comptait déjà trois. Cinq avortements sélectifs qui se mêlent aux 400 000 réalisés tous les ans en Inde, et qui pèsent dans le déséquilibre social à venir en Inde. 

Car l'Inde se modernise, l'Inde grandit, croît, l'Inde "brille" pour certains. Mais "les progrès économiques n'ont pas été accompagnés par des avancées sociales", déplore Rahul Singh, un journaliste spécialisé des questions de démographie. Les familles s'enrichissent, mais les vieilles traditions demeurent: la dot, en particulier, continue à transformer les filles en un fardeau perpétuel. Supriya et son mari ont par exemple dû débourser l'équivalent de 12 000 euros pour marier leur fille aînée, la moitié pour la cérémonie grandiose, et l'autre pour la dot, sous forme de bijoux en or et de costumes somptueux. 

Puis les règles traditionnelles en général, sont machistes : les filles restent considérés, surtout dans les Etats patriarcaux du Nord de l'Inde, comme des poids pour la famille. Et comme un contre-investissement, car elle partira vivre dans la famille de l'époux. Les parents ne pourraient alors que s'en remettre à un "bon garçon, fiable et vaillant", pour perpétuer le patronyme et s'occuper des parents qui vieillissent. C'est en tout cas la croyance populaire, car des experts affirment que les filles, même si elles partent du foyer, sont souvent présentes, parfois plus que les hommes, pour s'occuper des problèmes familiaux. Beaucoup de rites hindous, comme la crémation funéraire des parents, ne peuvent être réalisés par des filles.

Ces avortements sélectifs ont commencé avec la légalisation de l'avortement en 1971. En 1994, le gouvernement a interdit toute identification du sexe du bébé par échographie, mais rien n'y fait. La situation empire : selon le dernier recensement national, l'Inde ne compte aujourd'hui que 914 filles âgées de moins de 6 ans contre 1000 garçons. Le pire ratio après la Chine.

On voit déjà, malheureusement, les effets désastreux de cette sélection artificielle : dans certains Etats du Nord, les hommes attendent des années avant de pouvoir trouver une femme, et vont maintenant jusqu'à les chercher, voire les acheter dans ceux du sud, comme le Kerala, où cette pratique est beaucoup moins courante. Des cas de polyandrie ont été également recensés, deux frères partageant une même épouse... 

Venez écouter le témoignage de Supriya, qui détaille ce qui l'a poussé à mettre sa vie en danger pour avoir un garçon, ainsi que les différents efforts du gouvernement pour freiner ces avortements sélectifs, dans ce Grand reportage diffusé sur RFI. 


dimanche 27 novembre 2011

Une nouvelle aventure

Il m'aura fallu plus de quatre mois pour me décider, quatre mois pour absorber et appréhender cette partie du monde. Et oser me lancer à ouvrir un nouveau blog, à commencer à mettre mes mots sur une réalité si complexe et fascinante.
Après avoir passé 5 ans aux Philippines comme correspondant de radio et de presse écrite, j'ouvre donc ici un nouvel oeil. Un espace pour poser un regard subjectif sur ce sous-continent, et m'offrir un espace de réflexion à haute voix, une voie auxiliaire d'expression, quand les cadences minutées de la radios ne permettent pas de s'arrêter assez longtemps sur un sujet, sur un moment, sur une personne.

Un espace pour partager ces moments, surtout. Partager la stupeur, l'épouvante, l'étonnement ou la joie, autant d'émotions qui peuvent surgir, les unes après les autres, au cours d'une seule journée à Bombay. On m'avait prévenu que l'Inde ne me laisserait pas indifférent; la création de ce blog, et les messages qui vont le remplir, sont là pour le prouver.

Ci-dessous, un petit "snap" d'un taxi au repos, à 3h du matin. Rares sont ces moments de calme dans les rues de Bombay.