jeudi 3 mai 2012

Ces enfants que l'on marie

Elle a 18 ans, vit dans la campagne du Rajasthan,  et elle vient d'apprendre que son destin avait été écrit pour elle depuis longtemps : ses parents l'ont mariée avec un voisin quand elle n'avait qu'un an. 

Elle a 18 ans, et vient de faire quelque chose d'extraordinaire pour une fille illettrée de cette communauté : elle a réussi à faire annuler ce mariage. 

Un enfant dans le train de Bombay. ®SF
L'histoire de Laxmi est celle de la majorité des enfants des campagnes indiennes, mariées bien avant leur majorité par des parents qui suivent ainsi de lourdes conventions sociales, religieuses, ou purement économiques. Environ 60% des filles indiennes sont mariées avant l'âge légal de 18 ans, et ceci malgré l'interdiction d'une telle pratique depuis la loi contre les mariages d'enfants de 2006. Ces parents peuvent être punis de deux ans de prison, et d'une amende de 100 000 roupies (1500 euros) pour un tel acte. 

Mais l'application d'une telle punition est complètement illusoire, car personne ne se sert de cet outil. Personne n'ose s'élever contre son propre clan, sa propre famille. Les raisons derrière ces unions forcées sont multiples et profondément ancrées dans la société indienne, particulièrement au nord du pays. 

Au Rajasthan, certains veulent marier leurs filles très jeunes pour les protéger : dans ces campagnes désertiques, les enfants doivent en effet marcher plusieurs kilomètres pour aller à l'école ou chercher de l'eau au puits. Des parcours dangereux, pendant lesquels elles peuvent être violées... Or, quand ces filles sont mariées, elles portent souvent des signes distinctifs sur le visage, comme des chaines entre le nez et les oreilles ou des marques au front. Des indices respectés, qui pourront les protéger. 

Il y a aussi, bien sûr, des raisons religieuses : Laxmi, elle, a été mariée car sa grand-mère venait de décéder, et il est de bon augure dans sa communauté de célébrer un mariage dans les 30 jours suivant un décès.

Mais les motifs peuvent être également bien plus prosaïques : marier des enfants coute beaucoup moins cher, car les parents ne sont pas forcés de faire une réception somptueuse, et ils pourront même marier deux frères ou soeurs en même temps pour réduire les frais. La dot, enfin, sera bien moins élevée.

Laxmi, elle, est finalement une exception qui offre un certain espoir. Grâce à la conciliation intelligente offerte par la psychologue Kriti Bharti, cette fille a pu en partie reprendre son destin en main. Pour elle, ce n'est que le début d'une aventure dans l'inconnu : un premier pas vers une autonomie difficile pour les filles des campagnes indiennes. 

Pour écouter le témoignage de cette psychologue et l'histoire plus détaillée de Laxmi, voici mon reportage diffusée sur France Info.



Pour plus d'informations, je vous propose ce reportage très intéressant sur ce sujet, d'un journaliste au Rajasthan. 


Et voici le site de l'ONG MAMTA, qui travaille avec l'Unicef en Inde et au Bangladesh pour lutter contre le mariage d'enfants, et que je cite dans mon reportage.