mercredi 16 janvier 2013

L'affaire du viol de New Delhi, et le décalage de la classe politique indienne

©Getty Images
Pendant des jours, elles ont manifesté dans le froid hivernal de New Delhi, rejointes rapidement par des hommes qui se rendaient compte que ce n'était pas seulement un problème de genre. Pendant des semaines, les travailleurs actifs, militants, ou simples passants de la capitale ont crié leur outrage face au viol de trop. L'Inde d'aujourd'hui, jeune, de plus en plus moderne, urbaine et émancipée, était en colère. 
La réponse de leurs élites aura mis du temps, beaucoup de temps à venir : une semaine, et sous la forme d'un discours enregistré à la télévision d'un vieil homme courbaturé, aux cheveux blancs et à la diction imprécise quand il lisait un texte creux : le Premier ministre Manmohan Singh, 80 ans, appelait, d'une voix hésitante et sans émotions les manifestants enragés à se calmer et promettait qu'il ferait "tout ce qu'il pouvait pour assurer la sécurité des femmes". 

Cet appel déconnecté d'un leader en fin de vie représenta pour moi le symbole d'un des plus grands problèmes politiques en Inde : le décalage de l'élite par rapport aux problèmes de la population qu'elle est censée représenter. Un fossé qui est en premier lieu celui de l'âge : la moitié de la population indienne est âgée de moins de 25 ans, alors que la moyenne d'âge des membres du gouvernement est de 65 ans.  

©AFP
Et aujourd'hui que la pression de la rue est retombée, les langues se délient, et certains hommes politiques ou leaders religieux d'un autre monde viennent ajouter l'insulte au déni de sécurité, en affirmant que les femmes sont finalement en partie coupables de cette augmentation de viols, car elles ne restent pas à la maison comme elles le devraient, ou pire, parce qu'elles ne respectent pas assez les hommes. La domination des hommes, qu'elle soit physique ou idéologique, a encore de beaux jours à vivre en Inde.


Vous pouvez écouter ici ma chronique sur le sujet, sur RFI. 




©AFP

vendredi 11 janvier 2013

Ratan Tata tire sa révérence

Ratan Tata. DR
Ratan Tata était un peu le Antoine Riboud indien: le sage, le mentor et la touche humaine dans un monde de requins. L'héritier d'une dynastie respectée et admirée pour son philantropisme et son capitalisme social novateur, offrant à ses employés des avantages sociaux inédits pour ce pays.

Avec son départ à la retraite, le 28 décembre dernier, à l'âge de 75 ans, ce bel homme, à la chevelure grisonnante et au profil aquilin typique de cette communauté d'origine iranienne des parsis, Ratan Tata laisse la communauté des affaires orpheline. Et le conglomérat Tata entre, doucement, dans une nouvelle ère. 

Ratan a réussi brillamment à faire passer le groupe dans l'économie mondialisée d'aujourd'hui, et le transformer en premier conglomérat du pays. En 21 ans, il a triplé son nombre d'employés, qui dépasse les 400 000 personnes, décuplé son chiffre d'affaires, qui atteint les 70 milliards d'euros par an, et surtout projeté la marque Tata à l'étranger, avec une certaine audace : sous sa direction, le groupe a ainsi racheté les thés Tetley, ainsi que l'emblématique Jaguar et Land Rover, en 2008, pour 2 milliards d'euros. Un pied de nez magnifique à l'histoire, car cette marque indienne est maintenant devenue le premier employeur industriel chez son ancien colon.

La main est à présent passée à un homme plus jeune : Cyrus Mistry, 44 ans, est un ancien patron d'une société de construction dans le groupe, et il devra d'abord remettre à flot certaines entreprises déficitaires du groupe, dans la sidérurgie et l'hôtellerie, entre autres. Avec une question : gardera-t-il l'esprit familial et social, ou transformera-t-il Tata comme le fils Riboud a transformé Danone, en une entreprise comme une autre, à la recherche d'un profit de plus en plus aveugle aux conséquences sociales ?

Vous pouvez écouter ici mon reportage sur France Info